29 nov. 2020 par Monsieur Bulles
Je pense les avoir tous goûtés.
Du moins, jusqu'à la semaine dernière, car à la vitesse où les alcools québécois sont lancés sur le marché depuis 2 ans, il se peut qu'il en sorte un nouveau aujourd'hui ou demain.
Je parle ici des rhums du Québec; élaborés au Québec !
Et le simple fait d'écrire
rhum du Québec, c'est comme écrire ananas de Suède, citron d'Islande ou papaye d'Angleterre !
C'est incohérent.
C'est incohérent parce que c'est naturellement impossible.
Pourtant, quand j'ai exprimé cette opinion à des élaborateurs de rhum au Québec, ils ont froncé les sourcils.
On m'a regardé comme un naïf, un conservateur, un pointilleux.
Je touchais à l'esprit créatif en formulant l'absence d'authenticité, donc j'étais un rabat-joie. Même si je reconnaissais la qualité du produit transformé...
Elle est pourtant bien tangible cette absence d'authenticité !
Il n'y a absolument rien de Québécois dans ces rhums ! Rien !
Sauf la créativité de leurs élaborateurs.
Et je reconnais ici qu'elle est remarquable.
Il y a certes de la foi dans ces
rhums du Québec, mais c'est de la mauvaise foi.
Oui, je lis sur certaines bouteilles les précisions "affiné", "épicé", "vieilli", signifiant que le produit est transformé ou achevé ici, au Québec.
Et oui, le consommateur - bien averti seulement - sait que Bacardi, Captain Morgan, Carioca ou Lamb's sont des rhums d'ailleurs, embouteillés au Canada.
Mais ne jouons-nous pas trop sur les mots, sur la calligraphie, sur la mention d'un pays ou d'une marque en petits caractères qui infusent dans le subconscient du consommateur une authenticité finalement sournoise ?
Appelons-les eau-de-vie de mélasse, eau-de-vie à base de rhum ou eau-de-vie de plantes, mais s'il vous plaît, n'allons pas ternir l'image du rhum, car ces créations, parfois, n'ont pas le goût du rhum.
Ou lorsqu'elles l'ont, c'est grâce à un embouteillage de vrai rhum, sans artifice ajouté, qui vient d'une île des Caraïbes ou d'Amérique du Sud, avec une étiquette qui elle seule, est
Made in Québec.
Très peu de distilleries québécoises, aujourd'hui, distillent réellement de la mélasse importée.
Et aucune ne distille du pur jus de canne à sucre, simplement parce que ce n'est pas possible.
Qu'ils soient agricoles ou traditionnels, il y a suffisamment de vrais rhums ordinaires sur la planète.
Dispensons-nous d'en allonger la liste.
Élaborons des gins, des vodkas, des whiskys, des eaux de vie d'érable ou de petits fruits locaux car là, nous sommes originaux, attirants, compétents, authentiques et faciles à promouvoir.
Là, nous sommes vraiment 100 % Québec.
Avec le rhum, on brouille les cartes et nous sommes tous naïfs.
"Oui, mais la demande est là" me répond t-on. "Le consommateur est satisfait de ce qu'on lui offre. Il y a un marché".
Certes. Et je reconnais qu'il y a des transformations délicieuses, élaborées dans la province.
Dans ce cas,
que l'origine géographique du rhum embouteillé ou de la mélasse transformée soit inscrite sur l'étiquette de la bouteille !
Arrêtons de marcher sur la tête.
Parce que le jour où l'on verra arriver dans nos épiceries du sirop d'érable aux couleurs des Havana Club, Trois Rivières, Saint-James, La Mauny, Dictador ou Diplomatico de ce monde, évidemment produit au Québec, mais "encanné" sous le soleil des tropiques "parce qu'il y a un marché", j'en connais plus d'un, ici, qui manifesteront leur colère, en brandissant un petit drapeau fleurdelisé au nom du respect de l'authenticité.
Et quoiqu'il arrive, si la Martinique élabore demain du sirop d'érable, le buzz est assuré, comme disent les Français.
Il est certain que le monde entier voudra y goûter !
Moi le premier !2 eaux-de-vie Québécoises issues de mélasse de sucre de cannes à sucre, affichant le terme Rhum, s'approchent par leurs saveurs et leur comportement de "vrais" rhums : Le Sainte-Marie et le Rosemont. 